L'appel de l'aventure

Carnet de route tenu par : Françoise Hébert

1er août
Départ du Mans à 4H10 du matin, direction le drive-in cinéma de Rungis. Nous sympathisons avec un autre équipage sarthois, Christine et Antoine. La 2CV affiche 18401 lm au compteur. Nous prenons le départ à 20H15 et filons sur l’autoroute du sud. Nous vérifions l’huile à 18910 Kms.

2 août
Arrivée au tunnel du Mont Blanc à 5H30 du matin. Nous tombons en panne d’essence sous le tunnel, Heureusement, nous avons 40 litres de réserve en bidons. Nous traversons Vérone à 13H30 et passons la frontière yougoslave à 17H30. Nous campons sur un terrain à coté de Ljubljana.

3 août
Départ pour Zagreb. 20129 Kms au compteur. A 10H30 il fait déjà très chaud. Nous roulons capote et fenêtres ouvertes. 45°à l’intérieur de la voiture.

4 août - Belgrade - contrôle entre 6h et 10h.
Départ de Belgrade à 7H45. Nous roulons en direction de Nis et la frontière Bulgare.1ére vidange à Sofia

5 août - Istanbul - contrôle entre 17h et 21 h.
Départ de Sofia 7heure du matin. Nous prenons notre petit déjeuner dans le restaurant du peuple (gratuit pour les ouvriers et les ouvrières partants pour les champs ou l’usine. Dans ce pays communiste, les habitants sont pris totalement en charge à condition de travailler pour la communauté. Nous payons quelques francs pour un maigre festin. (Café pain et laitages). Nous roulons maintenant en direction d’Istanbul. Après la traversée de la plaine de Thrace, nous prenons un bain dans le détroit de Buyukcekmece,
Arrivée au pointage d’Istanbul à 17H00, repartis à 17H10. De nombreux équipages ont de graves ennuis mécaniques. Les premiers abandons ont lieu. Nous reprenons la route, toujours en compagnie de Christine et Antoine et passons le Bosphore à 22H00 (de nombreux ferry-boats font la navette entre l’Europe et l’Asie). Nous nous retrouvons à Uskudar sur la rive asiatique. Nous nous arrêtons pour camper à 10 Kms du Bosphore.
Nous plantons nos tentes dans un terrain vague en bord de mer. Dans la nuit vers 4 heures du matin, des intrus ouvrent nos tentes pour nous dévaliser. C’est Christine qui se réveille la première et informe Antoine qu’il y a quelqu’un à l’entrée de la tente. Leur réveil fait fuir les voleurs. Ils nous réveillent car notre tente est grande ouverte. Après examen, seul le couteau de plongée d’André a disparu. Dans la foulée nous replions les tentes et levons le camp, Un eu secoués par l’aventure, on se dit qu’à l’avenir, nous coucherons à la belle étoile et instaurerons des tours de garde.

6 août
Nous roulons en direction d’Ankara. Nous campons à 15 Kms après la ville sur le parking d’une station « BP ». Nous passons la soirée avec des routiers turcs. Ils sont sympas, voire très envahissants. Nous restons sur nos gardes, un œil sur la voiture et un œil sur la tente. Autant éviter les mauvaises surprises.

7 août
Départ à 8H30 en direction de Sansum (Mer Noire). Nous prenons des photos d’une briqueterie aux environs de Corum. A l’heure du déjeuner, nous mangeons à Merzifon. Lors de traversée de certains villages, nous essuyons jets de pierres et de tomates. A Terme, nous allons aux bains turcs en compagnie d’un équipage parisien. Il s’agit en fait d’un hammam. Les hommes et les femmes étant séparés, nous en profitons pour faire une vraie toilette. Premier bain depuis le départ ! Nous atteignons Ordu où nous passons la nuit.

8 août - Erzurum contrôle entre 18 à 21h
Nous quittons le campement à 8H30 nous prenons un bain dans la Mer Noire : elle est bleue, chaude et calme. Nous veillons à ne jamais nous éloigner de la voiture de plus de quelques. Par précaution nous fermons les voitures à clé. Nous longeons la Mer Noire jusqu'à Tirebolu. Nous quittons alors la côte et prenons la direction de Gümüşhane. La route est très sinueuse et en très mauvais état. La carte routière indique 140 km. En fin de compte nous en faisons 40 de plus ! Sur cet itinéraire nous rencontrons les premières difficultés. La piste est faite de silex coupants, très agressifs pour nos pneus qui ne sont hélas pas des tout-terrains. Les premières crevaisons arrivent. Comme nous n’avons que deux roues de secours montées, nous sommes obligés de réparer dans la journée, ce qui prend du temps et pas mal d’énergie. Nous prenons des photos de la cueillette des noisettes. Nous sommes à Erzurum dans les temps. Notre 2CV affiche 23254 km.

9 août - départ d’Erzurum à 5H15.
Pour nous détendre de ces interminables heures passées derrière le volant, nous nous arrêtons ici et là, pour prendre des photos entre Pasinler et Horasan (village à flanc de montagne). Pres de Dogubayazit, peu avant la frontière Iranienne, nous photographions une montagne enneigée. Il fait 40°dans la voiture ! C’est le Mont Ararat où selon la Bible, s’est échouée l’Arche de Noé. Nous arrivons à la frontière iranienne à 11h00. Nous sommes immédiatement contrôlés par les services Sanitaires, qui épluchent avec zèle toutes les pages de nos carnets de vaccination. Certains concurrents n’ont pas leurs vaccinations à jour. Ils sont envoyés au dispensaire pour une vaccination collective, tout le monde avec la même seringue et le même produit. Coté hygiène, nous sommes sur une autre planète.

10 août - Téhéran – contrôle de 18 à 21 h.
Arrivée à Téhéran à 12h30. Nous passons la journée au calme à la piscine de l’université de Téhéran. Les Iraniens sont très accueillants, beaucoup parlent notre langue. Ils ne cessent de nous aborder dans la rue, et quand ils sont en voiture ils se mettent à notre hauteur pour échanger quelques mots. Nous rencontrons des membres de l’automobile club d’Iran. Nous leur faisons part de notre intention de traverser le Désert Salé. Ils nous déconseillent fortement cet itinéraire, nous les écoutons sagement mais nous suivons notre idée. Nous quittons la ville à 22h00, à la recherche de la piste. Nous entrons dans un restaurant chic de Téhéran, demander notre chemin. Un client se lève et nous propose de nous mettre sur la bonne route. Il hèle un taxi et nous guide jusqu'à la piste du Désert Salé. Il nous quitte à regret après nous avoir longuement expliqué la route à suivre. Après avoir roulé quelques kilomètres, nous établissons notre campement pour la nuit.

11 août
24540 km au compteur - départ à 6H25. Nous traversons la première oasis où nous sommes accueillis par les habitants, qui se mettent en quatre pour nous faire plaisir, proposant de l’eau croupie, du thé préparé avec la même eau, toutes ces bonnes recettes pour attraper une bonne dysenterie. Pour faire les courses, nous faisons un arrêt à Shahrud, ville principale située au centre du Désert Salé. Notre présence se transforme en émeute. Les habitants nous pressent de partout. Alertés par le remue-ménage, des policiers interviennent et nous demandent de quitter rapidement le village. Pour la petite histoire, nous nous sommes baignés sans le savoir dans la réserve d’eau des villageois ! Nous sortons de la ville sous escorte policière. Dans cette région d’Iran, des Touristes il n’en passe jamais ! d’où l’immense curiosité de la population.

12 août.
24954 km au compteur. Départ à 6H20. La traversée du désert salé continue Nous croisons quelques camions mais aucun des concurrents du raid. Nous sommes peut-être les seuls à s’être risqués sur cet itinéraire. Durant la traversée du désert nous crevons onze fois. Les réparations successives sous la chaleur sont très éprouvantes. Par prudence, nous rationnons l’eau et la nourriture. A 12km de Sabzevar, Antoine casse le pare-brise de sa Dyane. J’ai ce qu’il faut pour le dépanner ; un parebrise en plastique souple. Le boudin gonflable jaune donne un cachet particulier à la Dyane. Nous sortons du Désert Salé et atteignons Mashhad. En chemin, nous passons une Dyane accidentée immatriculée 94.
On trouve un pare-brise de remplacement que j’aide Antoine à monter. Ce soir, nous sommes hébergés au lycée technique. Il y a un bassin sous la statue du Shah dans lequel nous nous décrassons. Ce n’est pas du tout du gout des autorités locales… La nuit elle est très courte, nous sommes assaillis en permanence par la jeunesse locale, qui veut à tout prix rencontrer les Concurrents du raid.

13 août - Herat – contrôle entre 17 et 20h.
Nous quittons Mashhad à 5H00 du matin en direction de l ‘ Afghanistan. Nous franchissons la frontière à Islam-gala à 11H00. Le poste frontière n’existe pas. Seule une tente bédouine est dressée au milieu de rien. Nous pouvons charger de l’argent. Au retour, aucune banque n’acceptera de reprendre nos Afghanis et les changer. Dès la frontière passée, nous découvrons de magnifiques moulins à vent, qui ont la particularité d’avoir un axe vertical. Nous passons la nuit au seul hôtel d’Hérat. En fait, nous plantons notre tente sur les pelouses de l’hôtel et pour le prix d’une chambre, on nous laisse l’usage des douches.

14 août
Nous quittons Hérat à 7H45 et prenons la route en direction de Kandahar où nous arrivons à 18H15. Nous nous arrêtons au restaurant de l’aéroport de Kandahar. Devant l’embarras des serveurs, nous passons en cuisine pour préparer le repas. À notre grand étonnement, nous constatons que les cuisiniers déchiquètent la viande avec les mains. Nous leur montrons comment couper la viande à l’aide d’un couteau et d’une fourchette. Ils apprennent très vite ! J’aurai laissé dans ce beau pays, un souvenir du savoir-faire de la France.

15 août - Kaboul – contrôle entre 14 et 17h
6H30 départ pour Kaboul. Nous roulons sur une route en béton, construite par les Russes. A mi-chemin, - il fait une chaleur torride-, nous réfugions dans une buse sous la route pour nous pour trouver un peu d’ombre. Au menu : raviolis en conserve, et comme boisson, du sirop de menthe Teisseire. Les raviolis sont froids, et le sirop de menthe chaud ! Quelques kilomètres avant Kaboul nous sommes accueillis par une haie de Kaboulis, heureux de voir des européens. (Il est bon de rappeler que le premier camion européen à rallier l’Afghanistan ne le fera qu’en 1973 !) Arrivés à midi, nous avons 2h d’avance sur l’ouverture du contrôle prévu à 14h. Le but de l’aventure est atteint. À l’université de Kaboul (française), nous occupons une chambre d’étudiant. Des repas sont proposés au réfectoire. Tout cela n’est pas gratuit bien sûr, mais à un prix raisonnable. Nous faisons un extra : nous nous offrons un steak-frites à l’hôtel Intercontinental sur les hauteurs de Kaboul. Pour le même prix, on doit pouvoir vivre 6 mois à Kaboul !

16 août - Journée de repos.
Nous essayons de pousser jusqu'à la vallée de Bamyan. Hélas cela nous est interdit, car des tribus voisines sont en guerre et la piste dans cette région est de ce fait déconseillée. Nous visitons donc Kaboul et ses environs. Nous prenons surtout du repos, et préparons la 2CV en vue du retour. La voiture se porte bien mais nous donne malgré tout des inquiétudes. Le moteur fait un bruit anormal. Nous apprendrons plus tard qu’il n’y avait pas lieu de s’alarmer, que le bruit était dû à la mauvaise qualité du carburant afghan. Les stations-services n’existant pas dans cette partie du monde, c’est un camion-citerne de l’armée afghane qui nous avait ravitaillé. Dès le plein suivant en Iran, le bruit disparaît.

17 août
Nous quittons Kaboul à 8H00 et roulons toute la journée. Nous nous arrêtons pour la nuit à Farah.

18 août
Nous passons à côté de la mosquée d’Herat. L’accès en est interdit aux non musulmans et dans ce pays la règle est très stricte. On nous prête des tchadors. Ainsi vêtus, nous pénétrons dans les jardins de la mosquée. Mais à peine entrés, nous nous faisons sortir par des religieux qui nous chassent assez brutalement hors de l’enceinte de la mosquée. Ils ne souhaitent pas notre présence dans ce lieu saint. Nous passons la frontière à 13h00 et rallions Mashhad. Nous jetons un coup d’œil aux souks sous la protection d’un groupe de commerçants de la ville. En fait notre escorte cherche à nous éloigner de nos véhicules pour les faire dévaliser par une autre équipe. Nous flairons le piège et quittons la ville sans regret.

19 août
Nous quittons Mashhad, et prenons la direction du nord, l’itinéraire choisi et préconisé par Citroën, plus sûr que le Désert Salé. La piste est caillouteuse et mauvaise pour les pneumatiques. En augmentant la pression des pneus à 2kg, on évite bien des soucis. Plusieurs concurrents ont des difficultés. De nombreux véhicules rendent l’âme. Certains équipages font du stop, d’autres se font rapatrier avec bien du mal par les ambassades ou les consulats.

20 août
Nous roulons en direction de la mer Caspienne. Nous passons la soirée à Babolsar, une station balnéaire et improvisons un barbecue. Nous faisons la connaissance de deux professeurs d’université. Une partie de la nuit se passe à discuter. Nous ne nous couchons qu’au petit matin dans des bungalows appartenant à la police…

21 août - Téhéran
Il est 7h30. Départ pour Téhéran que nous atteignons à 16h15. Nous couchons dans une université. L’endroit est surveillé par la police iranienne. Pas mal de voitures manquent à l’appel, La piste à eu raison de bien des équipages.

22 août
Départ de Téhéran à 5H30 en direction de la frontière turque. Nous traversons les réserves de chasse du Shah d’Iran. Il est interdit de quitter la piste : « chasse réservée ». Le paysage est magnifique. Nous traversons un oued sans encombre mais plusieurs concurrents calent au milieu du gué. Nous passons une partie de l’après-midi sur place pour aider les uns et les autres à sortir de la rivière. Peu nous remercient, drôle de solidarité ! J’ai vécu un an dans le désert comme militaire et à cette époque, un dépannage sur la piste se transformait souvent en solide amitié. Nous passons la frontière turque en compagnie d’Antoine et Jean Luc, tous les deux au volant d’un Dyane. Nous suivons une piste montagneuse et arrivons le soir à Erzurum où nous dormons à l’université.

23 août
Départ d’Erzurum à 8H00. Nous roulons sur la piste montagneuse en direction de Sivas. Le soir, nous établissons notre campement avant Yozgat. Nous sommes une dizaine de voitures regroupées à cet endroit. Pour éviter les pillards, nous installons les voitures en cercle à la façon d’un camp de cowboys face à une attaque Indienne. Nous nous installons tous à l’intérieur du cercle, protégés par les voitures. Nous dormons d’autant plus sereinement que nous avons institué un tour de garde. La nuit se passe sans histoire.

24 août
Nous roulons toute la journée et arrivons à Istanbul tard. Demain, nous visiterons la ville.

25 août Istanbul
Nous quittons Istamboul, la Turquie et roulons vers Rungis sans nous arrêter. Nous traversons la Bulgarie, la Yougoslavie, l’Itali sans escale. A 12H05, nous franchissons enfin le péage de Rungis. Après un contrôle des véhicules par les organisateurs du raid, nous prenons la route en direction de la Sarthe. C’est la fin d’une belle aventure !

NOTES

480 véhicules au départ, 325 rescapés à l’arrivée et hélas 8 morts, à la suite d’accidents de la route.

Les distances

Paris - Belgrade 2240 km
Belgrade - İstanbul 960km
Istanbul - Erzurum 1382km
Erzurum - Téhéran 1189km
Téhéran - Hérat 1170km
Hérat - Kaboul 1160km
Total aller 8101km

Compteur au départ 18424 km
Au retour 35062 km
Soit un total de 16638 km

Afghanistan ,
Quelques dates

15 août 1970
Le raid Citroën atteint Kaboul, capitale de l’Afghanistan.

15 mars 1973
Pour la première fois un camion français relie la France à l’Afghanistan : 9000 KMS en empruntant la route de la soie ouverte par Marco Polo eu 14ème siècle.

17 juillet 1973
Le roi Mohamed Zanir Chah souverain d’Afghanistan, est renversé par un coup d’état fomenté par son propre cousin le général Daoud.

Juillet 1980
Les troupes russes envahissent l’Afghanistan.

Novembre 2001
L’armée des Etats-Unis, occupe l’Afghanistan (suite aux attentats du 11 septembre)

Voir la vidéo