Cinquantenaire du Raid Paris Kaboul
"Le droit mène à tout"
C’était le printemps 1970, mon ami Marc Houdart et moi essayions de nous habituer au nouveau rythme que nous imposait la fac de droit de Saint Maur des fossés. Après une année de terminale plutôt sympathique, nous avions eu à quitter notre groupe de copains innocents pour nous frotter à des étudiants super motivés non pas par les études mais par la révolution de 68 encore toute fraîche dans leur tête. Je me souviens encore très bien quand Marc entra ce matin-là dans une salle de cours ou nous attendions le prof, avec un journal à la main. Regardes un peu ça, me dis-t-il en me tendant l’Équipe ouvert à une page ou se détachait un petit article : “Citroën organise un raid entre Paris et Kaboul (Afghanistan) ouvert aux jeunes possédants une 2cv, Dyane ou Méhari, durant le mois d’août !” Soudain le ciel grisonnant changea de couleur et mon esprit commença à prendre des ailes. Je levais les yeux et dis à Marc : nous avons la 2CV ! alors on y va! Le dernier trimestre devint soudain pour ma part très passionnant ! Parmi mes bouquins de droit figuraient maintenant en première place, une multitude de cartes routières ! Nous préparions donc le raid et accessoirement l’examen de fin de première année ! Le droit, selon un adage bien connu, mène à tout, mais il suffit d’en sortir… Voici donc la sortie fracassante que nous empruntâmes et qui se nommait “PARIS KABOUL PARIS”.
Notre voiture : Elle n’était pas toute jeune puisqu’en 1970 elle avait déjà 11 ans. Pas beaucoup de kilomètres et en plus les quelques 60 000 qu’elle avait parcouru étaient bénis. En effet c’était ma première voiture, cadeau de mes grands-parents qui l’avait acheté au curé de leur village. La voiture étant en bon état, le 3 eme coéquipier, Robert Champalet qui malheureusement n’a pas pu prendre le départ, fut d’une aide précieuse. Il était étudiant en mécanique et nous passâmes une petite semaine sur le campus d’Orléans à superviser les éléments mécaniques. Ensuite la partie sécurité fut confiée à mon grand-père qui nous confectionna une cage métallique en tube comme on en voit sur toute bonne voiture de rallye, et pendant qu’il y était, il construisit aussi un par buffle. Les ailes arrière furent découpées pour pouvoir contrôler rapidement l’état des pneus. Les garnitures de porte furent démontées pour alléger la voiture…(petite erreur car nous n’avions plus d’isolation contre la chaleur), une seconde batterie fut installée et un réservoir d’essence supplémentaire fut logé dans le coffre. Au départ nous avions 2 roues de secours, quelques outils, une pharmacie et notre sac de voyage. J’oubliais que j’avais installé un siège baquet qui me servit de baignoire dans les endroits les plus chauds…
Le départ : Le 1er aout 1970, 480 2cv, Dyane et Méharis, étaient alignées sur le parking de Rungis... Nous changeâmes les pneus car nous étions encore loin des pistes turques et iraniennes et les pneus agraires (à crampons) n’étaient pas appropriés aux autoroutes européennes ! Tous les équipages s’affairaient autour de leur voiture, certains même terminaient de remonter leur moteur ! Après avoir reçu le feu vert des mécaniciens de Citroën, nous nous élançâmes vers l’aventure.
Le voyage : A l’exception de quelques divergences dans le tracé pour certains concurrents, la route entre Paris et Kaboul était sensiblement la même, une grande ligne qui s’étendait sur 17 000 kms. Nous dormions à la belle étoile, quelquefois sous la tente et une seule fois à l’hôtel à Kaboul. Marc s’occupait de l’intendance et moi je conduisais, conduisais, conduisais…. Nous avons pointé à tous les contrôles ou presque et sommes arrivés sans encombre à Rungis dans les temps. La route fut longue et en 1 mois, nous n’avons pas visiter les merveilles qui jonchaient l’itinéraire. Cependant, nous nous étions jurés que nous reviendrions !
50 ans après, nous n’y sommes toujours pas retournés ! Les raisons en sont multiples, création d’une famille, développement de l’environnement professionnel, plein d’autres projets et aussi surtout les changements de régime dans certains pays, je pense notamment à l’Iran, si accueillant en 1970 , les guerres comme en Afghanistan, et le temps a passé et l’on se rend compte maintenant qu’avec l’âge ces expéditions lointaines ne sont plus possible. Alors que nous reste-t ’il ? et bien c’est simple, l’amitié et le souvenir de ce voyage de notre jeunesse et quoi de plus beau que de célébrer cette année dans différents événements, le cinquantenaire du Paris Kaboul Paris !…
Yves Vitasse